Fantaisies poétiques

Le Bouffon
Jean Mourgues – Fictions Singe amuseur du Roi, dans son brillant cortège
Le bouffon offre aux yeux des peuples amusés
Le masque grimaçant que l’esprit sacrilège
Donne à l’autorité dont les fous sont grisés.
Exprimant à mi-voix la dérision cruelle
Dont chaque souverain est le secret objet.
Il incarne la foi muette du rebelle
Et dénonce la peur du trop loyal sujet.Il est l’autre, l’intrus, dont la présence offense
L’ennemi qu’on subit sans pouvoir le chasser,
Il est le doute obscur, la mauvaise conscience
Le démon “à quoi bon” qu’il faudra terrasser
Chaque fois qu’on aspire à la toute puissance.
Son rire est le barrage à ne pas dépasser,
Sa grimace le sceau de notre délivrance
Et son coeur le tombeau de la digne espérance.
Le Noël du charcutier 
 Hugues DelormeNoël ! C’est le grand jour où les pauvres cochons
Pour satisfaire à nos gourmandises farouches
Épidémiquement crèvent comme des mouches,
Guettés par la pistache et les froids cornichons.
En cette eau de boudin dont nous nous pourléchons,
Ils terminent, repus, leurs existences louches,
Tels des enfers béants nous leur ouvrons nos bouches
Où brûlent leurs débris dans l’alcool des cruchons.
Pour les parer de noir, les hommes, ces tartuffes,
Leur ont cyniquement fait déterrer leurs truffes !
O martyrs embaumés, dormez !… Voici Noël !
Le charcutier ne sait où donner de la hure :
Il se frotte les mains, car la recette est sûre,
Et, bien que franc-maçon, il bénit l’Éternel.
Summer time 
Tracé d’architecture estival 
L’Orateur (R.L. Arbre de Lumière)Comment faire oublier ici la tradition
Sans tomber aussitôt dans la triste routine
Pour l’Orateur usé par trois ans de gestion
D’un plateau à l’Orient où le Maître s’obstine ?Pourtant sortons la Loge du risque du sommeil
En fêtant aujourd’hui la St Jean de l’été
Et la lutte éternelle de la lune et soleil
Qui nous mène sûrement vers la divinité.Le symbole intéresse le fameux Dieu des portes
Celui qui, dans l’ancien on appela Janus
Veillant entrées sorties car à tous il apporte
Le goût du vrai labeur, du nerf et du tonus.C’est le jour le plus long et la nuit la plus brève
Qui zodiacalement apportent la lumière
Pour terminer l’année en un songe ou en rêve
Et marquer de ce fait l’étape saisonnière.

Saint Jean le bien aimé, l’aigle, aussi le baptiste
Nous donne le soleil et aussi bien l’été
Pour nous gentils maçons, incroyants ou déistes
Mais tous assurément visant l’éternité.

Comment ne pas admettre que tout mène à l’osmose
Entre nous F :. et S :. de la pensée subtile
Qui génère céans la vénérable gnose
S’affranchissant parfois du ballet de l’outil ?

J’en ai bientôt fini et vous serez comblé
Quand j’aurai évoqué le verbe réunir
Par l’appel à l’offrande du bel épi de blé
Garantissant à tous un précieux avenir.

Voilà, c’est terminé pour la St jean d’été
Le maçon maintenant dépose son ardeur
Pour profiter céans d’un repos mérité
Afin que dés Septembre renaisse la ferveur.

 

Inventaire
à la manière de Prévert

Une batterie d’amertume, un calice d’allégresse
Un ordre d’officier, un plateau du jour
Une question de nous connue, des nombres mystérieux à l’étude des loges
Une loge de la Loi, un fidèle gardien du sommeil
Un tronc du milieu, une chambre de la Veuve
Une corde aux propositions, un sac de nœuds
Une salle de passe, un mot humide
Une colonne en chair, un Vénérable Maître d’harmonie.

 

On a décroché ma lune
Histoire vraie !
Pas une seule tenue, avant que les lumières ne s’éteignent à l’Orient
Je n’ai manqué de porter sur ma lune un regard attendri.
Son croissant noirci par les ténèbres
Étreignait sur sa face éclairée une pâle rondeur.Splendeur du croissant de lumière noire
Qui polissait nos outils de sa lueur malicieuse
Et attestait l’ascendant de l’œuvre au noir
Sur la brillance des métaux.Nos clins d’œil enjoués me rendaient son galbe aguichant.
Nous avions fini par nous lier d’une connivence
Qu’aucun des moments graves qui plombent parfois nos travaux
N’avait troublé la gaieté.

Nous nous souriions, nous nous aimions.
Amour lunatique, blaguent les hérauts de la mystification céleste!
Nous nous aimions sans subir la passion funeste qui déchire les amours impossibles,
Nous nous aimions sans connaître cette terrible maladie qui désunit les amants,
Si souvent,
Et qu’on nomme jalousie…

J’étais si peu jaloux qu’en maintes occasions, je soulevais
Pour mes Frères son voile mystérieux de vierge noire.
Sans effroi, comme le feignent les lunes soumises aux rayons arrogants du soleil,
Ma lune révélait aux initiés attentifs la noirceur de ses charmes trompeurs.

Des forges de Tubalcaïn elle recevait l’illumination tellurienne
Qui reléguait dans l’ombre australe la tache blafarde du jour déclinant.
Lune sulfureuse arrosée par l’éclat noir de l’œuvre souterraine,
Lune généreuse baignée du sang noirci des aventures humaines…

Et vint un jour où le rationalisme militant
Imbu d’infaillible science, décrocha ma lune…
La nouvelle qui trône à présent au sanctuaire des astres vieillissants
N’offre plus que la forme froide d’un croissant convenu.

Lune sans imagination, affichée comme un néon dans la lumière crue du réel,
Lune sans intuition qui ne distingue plus, dans leur quête, les Pierrots des Charlots.

Adieu ma lune, tu ne me verras plus rêver…

etc.Extrait d’une chanson du XVIIIème Siècle
 Recueillie par le Frère NAUDOT en 1737 

Si le sexe est banni qu’il n’en ait point d’alarmes
Ce n’est point un outrage à la fidélité
Mais je crains que l’Amour entrant avec ses charmes
Ne produise l’oubli de la Fraternité
Noms de Frères et d’amis seraient de faibles armes
Pour garantir les cœurs de la rivalité.

 

Extrait de “Apologie des FF.MM.
 Par le Frère Procope (Médecin du XVIIIè)

Beau sexe, nous avons pour vous
Et du respect et de l’estime
Mais aussi nous vous craignons tous
Et notre crainte est légitime
Hélas ! On nous apprend pour première leçon
Que ce fut de vos mains qu’Adam reçut la pomme
Et que sans vos attraits tout homme
Serait peut-être un franc-maçon

 

 

 

 

Une bien belle boutique…

En me promenant dans les rues, j’ai découvert un
nouveau magasin que je ne connaissais pas.

Par curiosité, j’y suis entré et quelle ne fût pas ma surprise de reconnaître derrière le comptoir… :
Le Grand Architecte de l’Univers ! ! !

Comment l’ai-je reconnu me demanderez-vous ?

Eh bien, tout simplement à son regard…
Ses pupilles brillaient d’un étrange éclat et lorsque je le fixais bien, je remarquais distinctement, dans le flamboiement de ses yeux, une des initiales de son nom…

” Maître, que vends-tu ici ? ” lui demandais-je, assez intimidé.
” Tout ce que désire ton Cœur “… me répondit-il.

Je n’en croyais pas mes oreilles :
” Vraiment tout ce que je peux désirer ? … du fond du cœur? ” … Hum ! ! !
Le ” Demandez et vous recevrez ! ” revenait à ma mémoire.

J’eus un moment d’hésitation.
Que fallait-il que je demande ? Pour moi ?…. Pour ma famille ?…. Pour mes proches ?…. Pour mes FF et mes SS?….
Après réflexion, je décidais de demander ce qu’un être humain pouvait espérer de meilleur :

” Je voudrais l’Esprit de Paix, d’Harmonie, de Sagesse et de Tolérance ”

Et j’ajoutais dans un élan fraternel et sincère :
” Pas seulement pour moi, mais pour tout le monde ! ! ! Oui, pour le monde entier…
Ce serait si merveilleux que la Paix règne sur la terre, que l’Amour règne parmi les Hommes et que la Joie soit dans les Cœurs de tous les humains”….

Le Grand Architecte me regarda avec une infinie bienveillance en souriant et me répondit :

” Je crois que tu ne m’as pas compris, mon F. , ici nous ne vendons pas les fruits, nous vendons seulement les graines”…