(durée 8,5mn)
– 5 personnages : Louis (moniteur) Ange, Rémi, Elodie, Brigitte.
Ils entrent ensemble en se flagellant et en scandant : « maçons anonymes dépendants affectifs… maçons anonymes dépendants affectifs…» Ils forment un cercle, se prennent les mains, élèvent les bras et les rabaissent violemment en poussant un « Hou ! »-
LOUIS : Bonsoir, c’est moi qui dirige ce soir la réunion du MADA : Les maçons anonymes dépendants affectifs… Prenez place.
Ils s’assoient en ½ cercle, sauf Louis qui se tient derrière son siège.
A quoi reconnaîtrais-je que vous êtes Maçon Anonyme Dépendant Affectif ?…
Des réponses fusent :
– l’addiction aux tenues !
– les visites permanentes !
– l’affection dévorante !
– les accolades suffocantes !
– les poignées de main frénétiques !
– les prises de parole incessantes !
LOUIS : Bon ! Très bien !… Présentons-nous : je m’appelle Louis, ancien MADA, j’ai terminé mon traitement, je suis guéri.
TOUS : (Ils se lèvent) Bravo ! (ils applaudissent)
LOUIS (désigne Ange)…à toi on frère…
ANGE : se lève, passe derrière les chaises pour lui donner une accolade fraternelle.
LOUIS : (lorsque Ange arrive vers lui, il le repousse) Ah ! Tu as encore à travailler… trop affectueux mon Frère… !
ANGE : (revient à sa place, reste silencieux)
LOUIS : ton nom ?
ANGE : (véhément) Hé ! On avait dit anonyme !
LOUIS : T’énerve pas ! ça sortira pas d’ici… (le doigt sur la bouche, malicieux) le secret maçonnique !
ANGE : (se ressaisit) Oh ! Excuse-moi… Je suis sous traitement anti-affectif… Ange !
Puis chacun son tour
ELODIE : Elodie ! Depuis que je suis rentrée que ça dure… Je n’en peux plus…
BRIGITTE : Brigitte ! Moi j’ai un cœur trop gros. (Elle ouvre son corsage pour montrer son cœur) toujours pas de résultat.
REMI : Remi ! Moi ça fait trois ans que je ne manque pas une réunion du MADA. C’est tellement sympa ! Je suis si bien avec vous… c’est tellement sympa…
LOUIS : Eh bien, c’est pas gagné avec toi !… Alors vous êtes des maçons dépendants affectifs… c’est quoi pour toi Elodie être un maçon anonyme dépendant affectif ?
ELODIE : eh bien moi c’est que je ne peux pas me passer de rencontrer des FF et des SS, de leur faire des bises. Si je ne vais pas en tenue je suis malade… je visite tous les soirs !
LOUIS : …toutes les loges !?
ELODIE : ben… pas toutes, non ! Faut quand même qu’il y ait un minimum d’affection fraternelle…
LOUIS : Bien sûr ! Brigitte, toi qui as l’expérience, les maçons anonymes, c’est comme les Alcooliques Anonymes… ?
BRIGITTE : Ben non ! Pour eux, c’est plus facile. Chez les alcoolos, pour pas boire, il suffit de pas amener de bouteille, tandis que chez les maçons, on peut pas se séparer de son cœur… et le mien a été marqué d’un sceau indélébile… (Elle ouvre son corsage pour montrer son cœur)(Les trois hommes admirent… 🙂 Ah !!!
LOUIS : Elodie, dis nous ce que tu retires de nos réunions.
ELODIE : Ben d’abord chacun se présente…Il dit combien de jours il a tenu sans aller en tenue… Moi j’ai tenu deux soirs. Y’en a qui tiennent une semaine, un mois parfois… il parait même qu’y’en a un qui a si bien tenu qu’il n’est jamais revenu en tenue une seule fois…
TOUS : pas une seule fois… ?
ELODIE : oui… pas une seule fois depuis son initiation ! Il n’est jamais revenu en loge.
ANGE : Quel exploit !
REMI : Un héros !
BRIGITTE : Avoir subi les épreuves et renoncer à l’affection fraternelle… quel bel exemple !
ANGE : Lui, on peut dire qu’il en est guéri de la fraternité !
TOUS : Ah ! Il est sauvé ! Il est sauvé ! (on agite les mains)
LOUIS : Bien ! Brigitte, dis nous comment tu gères ton handicap dans la vie de tous les jours.
BRIGITTE : eh ben, j’essaie d’éviter tout ce qui me rappelle la maçonnerie … je ne saute plus à la corde.
LOUIS : la corde ?
BRIGITTE : Ben oui, la corde à nœuds ! Qu’est-ce que t’es lourd !
ANGE : Moi j’évite le travail… à cause des outils…
REMI : moi c’est la vaisselle, à cause du tablier et des gants !
LOUIS : Eh oui, ce n’est pas facile d’éviter tout ce qui nous rappelle la maçonnerie … Les symboles par exemple… y’en a plein partout dans la nature.
ANGE : (se lève, inspiré, déclame, contourne les chaises et se place derrière Brigitte)
La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
(Il soulève furtivement le chemisier de Brigitte et retourne se rassoir)
BRIGITTE : (cri de surprise !) Arrête ! Tu veux nous tuer ?
LOUIS : Toi Brigitte, Comment tu les évites les symboles ?
BRIGITTE : Comment j’évite les symboles ? Tiens, sur la route… les panneaux… c’est rempli de triangles… alors moi je les regarde pas, je fonce !
REMI : mais c’est dangereux…
ELODIE : sans parler des PV !
BRIGITTE : je m’arrange toujours pour garder 3 points !
LOUIS : évidemment !… Pour t’éloigner de l’affection de tes FF et de tes SS, je crois que tu as songé à voyager, Brigitte…
BRIGITTE : Oui, partout, sauf à l’Est, ça me rappellerait l’Orient !
REMI : Ah ! Ne me parlez pas de voyages. Où que je voyage, tout me rappelle la loge : La Grèce, les colonnes ! L’Andalousie, les grenades ! L’Égypte, Memphis et Misraïm…
ANGE : Paris / Roubaix, les pavés !
REMI : l’Écosse… Le Whisky de la salle humide !
ANGE : Et la banquise, les pingouins…
LOUIS : les pingouins… ?
ANGE : tu n’as jamais visité Opéra ou Bineau !… (Rires) les pingouins ! (il les mime)
BRIGITTE : Et toi Louis, tu es guéri. Tu peux nous dire par quel moyen tu as rompu avec ton besoin d’affection maçonnique ?
LOUIS : (un temps) j’ai été admis aux ateliers supérieurs…
TOUS : (cri d’horreur)
BRIGITTE : la cata !
ELODIE : le pauvre !
ANGE : fayot !
LOUIS : j’y suis même très assidu.
TOUS : (cri d’horreur)
ANGE : mais alors, tu retournes souvent en tenue ! Ce n’est pas de la dépendance, ça ?
LOUIS : Ouais ! Mais là, question affectif… tu peux courir !… chacun pour son cordon et le GADLU pour tous !… (Il sort d’une trousse ou de sa poche un patch qu’il montre) Mais vous savez qu’il existe aujourd’hui d’excellents remèdes à la dépendance affective maçonnique. Le patch antimaçonnique… FN !
TOUS : non, c’est quoi ?… FN ?
ANGE : FN… Fraternité Nausée ?
BRIGITTE : Fraternité Négative ?
REMI : Fraternité Néfaste ?…
ELODIE : Fraternité Niquée !… (Elle lève ses fesses de la chaise) Je peux tester ?
LOUIS : (malicieux) avec plaisir ! (passe derrière elle, soulève sa jupe et lui colle un patch sur les fesses)
Elodie reste figée.
LOUIS : (s’éloigne d’Elodie en l’observant, un temps 5 secondes :) les effets ne vont pas tarder à se faire sentir.
ELODIE : (elle s’agite, agressive) je sens que ça vient, oui, oui, oh oui, je le sens…
REMI, LOUIS, ANGE (s’avancent vers elle, contents pour elle, les mains en avant) ça marche !
ELODIE : (les repoussant) du vent ! Connards ! (Louis prend un coup sur la joue)
REMI, BRIGITTE, ANGE : (stupéfaits) Ah oui, ça marche ! Elle est sauvée… ! (On agite les mains)
LOUIS : (se tient la joue) Oui, mais il faut se méfier des effets secondaires !… (Un temps)
(Louis se lève) Bien, merci à tous les quatre. La réunion est terminée. On a assez travaillé pour ce soir. De longs et pénibles efforts sont encore nécessaires avant que la dépendance affective soit achevée. Retirons nous en paix.
TOUS : (se lèvent, se prennent par la main) Osons ! Osons ! Osons ! Maçons Anonymes Dépendants Affectifs (ils sortent sauf Rémi et Ange qui s’attardent) Maçons Anonymes Dépendants Affectifs… Maçons Anonymes Dépendants Affectifs…
REMI et ANGE s’enlacent et chantent « la sardine » et sortent