Maïeutique socratique.
A la manière de Platon.
Un homme tournait en rond quand un empêcheur de tourner en rond l’apostropha :
– Faut-il empêcher les hommes de tourner en rond ? questionna l’empêcheur de tourner en rond.
– Non, évidemment, et de quel droit ? répondit l’homme qui tournait en rond.
– Mais tourner en rond donne le tournis, reprit l’empêcheur de tourner en rond, et le tournis fait tout à coup sortir l’homme de sa ronde comme la force centrifuge éloigne l’étincelle qui jaillit de la pierre du rémouleur. Il n’est pas bon pour l’homme de tourner en rond. En conviens-tu ?
– Sans doute, avança l’autre.
– Puisque tu en conviens, essaye donc d’observer la course d’un homme qu’on empêche de tourner en rond. Il s’affole, il s’inquiète, il s’égare et il sort du cercle de ses habitudes.
– En effet.
– Si, en effet reprit l’empêcheur de tourner en rond, il n’est pas bon pour l’homme de tourner en rond, faut-il alors aider à tourner en rond ?
– Évidemment non ! répliqua l’homme qui tournait en rond.
– Rappelle-toi donc ce que tu as répondu à ma première question, dit l’empêcheur de tourner en rond. Tu as répondu qu’il ne fallait pas empêcher les hommes de tourner en rond, mais tu conviens à présent qu’il ne faut pas les aider à tourner en rond. Et pourtant, continua l’empêcheur de tourner en rond, depuis un moment je te fais tourner en rond, t’empêchant par la même de tourner en rond…
– je ne saurais te résister dit l’homme qui ne se sentait plus tourner bien rond ; il faut que je cède à tes raisons.
– C’est à la Vérité, cher homme, que tu ne peux résister dit l’empêcheur de tourner en rond ; car résister à moi-même, ce n’est pas difficile.
Alors l’homme qui tournait en rond prit un bâton et assomma l’empêcheur de tourner en rond.
Puis, comme il restait là, seul au centre de son rond, il s’interrogea :
” Fallait-il assommer l’empêcheur de tourner en rond ? ”