(Ne peut véritablement être dit que par un ancien Vénérable)
(texte de Julio inspiré d’un ancien texte apocryphe “celui qui veut être chef”)
Lorsque le corps humain fut créé,
Les parties du corps décidèrent de s’organiser.
Former une loge leur parut un moyen incomparable.
Mais chacune des parties voulut devenir Vénérable !
Le cerveau dit : Puisque je commande à tous
Et que je pense pour vous tous
Ce serait bien le diable
Que je ne sois point Vénérable !
Le cœur, maîtrisant son émotion,
Redouta que les travaux fussent trop raisonnables.
– N’est-ce pas, dit-il, une bonne raison
Pour m’élire Vénérable ?
C’est alors que les jambes mirent les pieds dans le plat
– Sans nous, sans nos compas et nos pas
Sauriez-vous progresser ?
C’est nous forcément qui serons Véné !
Ce à quoi le nez répondit en nasillant :
– Nul ne sait mieux que moi renifler les affaires
Et dégoter les meilleurs impétrants.
Moi Véné, vous rendrez grâce à mon flair.
Les mains se levèrent :
– C’est nous qui tenons les outils et travaillons la pierre.
Sans nous point de métier.
C’est nous qui serons Véné !
Les yeux irrités sourcillèrent :
– Faut-il encore vous éclairer !
Comment sans nous recevoir la lumière ?
Et sans lumière point de Véné !
Le ventre jusqu’alors un peu mou,
A toutes les parties du corps exprima son dégoût
De devoir grassement les nourrir :
– Si je n’étais Véné vous n’auriez qu’à mourir !
Les parties intimes comme toujours chatouilleuses
Et qu’on disait pourtant frileuses
Se mouillèrent à leur tour :
– Allons ! Ne nous faisons pas la guerre, soyons Véné et faisons l’amour
La bouche qui s’était tue, décida de l’ouvrir :
– Sans moi jusque là qu’auriez-vous donc pu dire ?
Pourriez-vous sans moi retrouver la parole ?
Nommez-moi Vénérable ! Ça c’est du vrai symbole !
Les poumons restés effacés se gonflèrent,
Balayant de chacun les arguments vulgaires.
– C’est nous qui donnons le souffle et l’inspiration
C’est nous qui serons Vénérable que ça vous plaise ou non !
Oh ! Les oreilles échauffées ne se montrèrent pas tendres :
– Vous ne saurez jamais sans nous vous entendre !
Et de conclure, rouges et tendues :
– C’est nous qui serons Vénérable… La cause est entendue !
Enfin, le trou du cul s’est levé :
– Je demande à être élu Véné !
Toutes les parties du corps de rire ! C’est incroyable,
Le trou du cul veut être Vénérable !
Alors le trou du cul sur lui-même s’est refermé.
Il refusa dès lors de fonctionner.
Le cerveau devint fiévreux, les jambes molles refusèrent de le suivre.
Le cœur et les poumons luttaient pour survivre;
Les yeux, vitreux, cherchaient l’obscurité;
Les parties intimes se grattaient sous le tablier.
Les mains tremblaient si fort que les outils furent dispersés.
Les oreilles sifflaient et le nez osait, osait, osait à peine éternuer.
Quant au ventre le pauvre, mieux vaut n’en point parler.
Les parties du corps n’en pouvant plus
Supplièrent le cerveau de se laisser fléchir
Et de permettre au trou du cul
D’être Véné pour ne plus nuire.
Ainsi fut fait…
Toutes les parties du corps regagnèrent les colonnes
Tandis qu’à l’orient le trou du cul se parfumait à l’eau de Cologne.
Moralité :
Il n’est nullement nécessaire d’être un cerveau pour devenir Véné,
Un trou du cul a toutes chances d’être nommé.
Quoi, ça vous paraît inconcevable ?
Pourtant moi qui vous parle… j’ai été Vénérable ! |